Guerre et paix 3/4 : Chostakovitch, musique en temps de guerre

Par Julie-Anne Derome, violoniste

3/4 Dimitri Chostakovitch : Trio avec piano n°2 opus 67

Version anglaise

Né à Saint-Pétersbourg en 1906, Chostakovitch commence à composer dès dix ans. À cause du meurtre d’un de ses amis par la police du Tsar, Chostakovitch adhère rapidement aux idées révolutionnaires. Malgré le succès international de son opéra Lady Macbeth de 1934, l’URSS condamne cette œuvre qui n’est pas « dans l’esprit socialiste ». Il est invité par la suite à produire des œuvres à tendance « héroïque et sociale ». Jusqu’à la mort de Staline en 1953, il sut tenir une position équilibrée entre les œuvres nationalistes et de circonstance et les exigences de sa propre inspiration musicale. Une libéralisation progressive dans la société soviétique lui permettra par la suite de s’exprimer plus librement. À la fin de sa vie, Chostakovitch peut voyager, prendre parti pour le pacifisme, et compose de 1968 à 1973, en dépit d’une santé altérée, ses quatre derniers quatuors à cordes (d’un total de 15, tout comme Schubert. Il meurt le 9 août 1975 à Moscou.

Son trio no 2 est une lamentation autant pour son défunt ami Ivan Sollertinsky que pour les victimes de l’holocauste.

Chostakovitch poursuit la tradition des grands trios élégiaques de Tchaikovsky et de Rachmaninov. Tchaïkovski avait écrit le sien en mémoire de Nikolaï Rubinstein puis ce fut au tour de Rachmaninov d’en composer un à la mémoire de Tchaïkovski.

Mais la musique même prouve que Chostakovitch a voulu un mémorial allant bien au-delà de l’être singulier qui était son ami.

Le second trio de Chostakovitch a été écrit au cours de la seconde guerre mondiale. Chostakovitch le débute en décembre 1943 et le termine en 1944. Le siège de Leningrad, au cours duquel plus d’un million de personnes ont péri, avait pris fin en janvier. L’armée allemande se retirait de Russie et les horreurs des camps de la mort et du sort des Juifs commençaient à être révélées. L’œuvre reprend des thèmes musicaux juifs et slaves, la mélodie qui lance le dernier mouvement de l’œuvre étant également présente dans son célèbre 8e quatuor à cordes. Le premier mouvement débute avec le célèbre canon Andante, une mélodie que débute en harmoniques le violoncelle, suivie du violon qui devient la voix grave et le piano dans le registre le plus bas. Le tout sans rappeler l’idéologie du communisme qui visait à rassembler les êtres.

Puissante expression musicale d’une âme profondément affectée par les horreurs de la guerre et de la persécution des juifs d’Europe (au moment même de son écriture, l’armée russe est en train de libérer les camps de concentration nazis), cette œuvre est dédiée à la mémoire de son ami et historien d’art Ivan Sollertinsky décédé en février 1944.

C’est avec cette œuvre que Chostakovitch utilise pour la première fois des thèmes juifs.

Sa création fut donnée à Leningrad, dans la Grande Salle de la Philharmonie, le 14 novembre 1944. Le compositeur exécuta la partie de piano. On peut facilement imaginer l’ambiance dans la salle.

Nous avons eu le bonheur de travailler cette œuvre dans tous ses détails avec nul autre qu’un ancien étudiant de Chostakovitch, Eberhard Feltz, à Berlin en 2008.

Guerre & paix le 6mai 2017 à 19h30 à la Chapelle Historique du Bon-Pasteur

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